> Livres : "Le capitalisme hors la loi" de Marc ROCHE

Publié le par enerli

 

C’est en explorant ses confins, ses coulisses, que Marc Roche, correspondant du Monde à Londres, taille des croupières au capitalisme casino. Après avoir écrit un portrait au vitriol de la banque américaine Goldman Sachs (La Banque), il élargit son propos dans son nouveau livre Le Capitalisme hors la loi, en ciblant le tir sur le "capitalisme opaque et spéculatif", qu’il oppose au "capitalisme réglementé".

 

Ce système retient en otage Etats et consommateurs, sans parler des salariés et des petits actionnaires. Mais ce capitalisme-là s’est émancipé : entre contournement massif des règles par le "hors-bilan" et paradis fiscaux, les interdits ont explosé. Est-on impuissant face à ce pouvoir occulte que la classe politique n’ose pas affronter ?


Dans ce livre, Marc Roche revient très largement sur le rôle néfaste des paradis fiscaux. "Les paradis fiscaux ne datent pas d’hier mais il est vrai que beaucoup de structures impliquées dans la crise des subprimes étaient implantées dans des paradis fiscaux. De nombreux hedge funds sont immatriculés aux Iles Caïmans où ils peuvent bénéficier d’une réglementation minimale. Mais, au-delà de la crise financière, je cite aussi l’exemple du pétrolier BP qui a utilisé les services de Transocean, une société de services parapétroliers immatriculée dans le canton de Zoug en Suisse, permettant à cette dernière de bénéficier d’une législation très souple et de s’affranchir des mesures de sécurité strictes pour maximiser ses profits. Rappelons que l’explosion de la plate-forme de BP dans le Golfe du Mexique en avril 2010 a causé la mort de onze personnes et la pire marée noire de l’histoire américaine".

 

Malgré ce constat, l’auteur précise : "Les grands Etats disposent de leurs propres paradis fiscaux. Pourquoi le Royaume-Unis se joindrait à cette lutte alors que les îles anglo-normandes, Gibraltar ou les îles Caïmans servent de rabatteurs de fonds pour la City de Londres ? Mais les Etats-Unis avec le Delaware, l’Italie avec Monaco, ou la Chine avec Hong-Kong ne sont pas en reste. Si les relations en matière d’évasion fiscale sont parfois tendues entre grands pays et paradis fiscaux, il y a trop d’intérêts en jeu pour modifier en profondeur les règles du jeu".

 

Marc Roche dénonce également le manque d’indépendance de la classe politique vis-à-vis de la sphère financière qui expliquerait la faiblesse de la réglementation de cette dernière et les dérives qui en ont résulté.

 

Exemple de connivence

 

L’auteur cite le cas de Mario Draghi, futur gouverneur de la BCE : "Voilà que cet ancien banquier de Goldman Sachs va succéder à un haut fonctionnaire, Jean-Claude Trichet. Certes, Mario Draghi n’a pas initié les opérations de maquillage des comptes de la Grèce en 2000 destinées à qualifier le pays pour rejoindre la zone euro. Pour autant, il a occupé de 2002 à 2005 les fonctions de vice-président pour l’Europe de la banque d’affaires américaine et a donc été amené à assurer le suivi du contrat grec. Il est aussi très critiqué pour la façon dont il a piloté les privatisations italiennes en 1994-1995 en tant que directeur du Trésor. A l’époque, Goldman Sachs s’était taillé la part du lion ! Plus globalement, pas un seul banquier n’a été jugé et condamné même dans des cas de fraude avérée". Le cas le plus stupéfiant est celui d’Antigone Loudiadis, la banquière de Goldman Sachs qui a effectué le maquillage des comptes grecs. "Ce forfait, écrit Marc Roche, lui a valu d’être promue à la présidence de la compagnie d’assurances de Goldman Sachs."


Autres exemples

 

 On apprend que, pour aider LVMH dans sa tentative de prise de contrôle d’Hermès, les banques françaises conseils de Bernard Arnault ont fait appel à des sociétés panaméennes et luxembourgeoises. On découvre qu’une multinationale du négoce nommée Glencore, en soudoyant un fonctionnaire européen, a empoché en 2002-2003 la bagatelle de 7 millions d’euros d’aides européennes agricoles...


A-t-on appris les leçons des dérives de 2008 ? Un nouveau krach bancaire est-il possible ? Si une nouvelle réglementation ne se met pas en place, en particulier dans le domaine des nouveaux instruments financiers, le journaliste pense que ce risque est réel.


L’ouvrage de Marc Roche n’est pas un livre d’enquête. Ceux qui penseront y découvrir des révélations sur telle ou telle autre affaire en cours resteront sur leur faim. L’auteur s’en explique : "Il est extrêmement difficile d’enquêter et d’obtenir des informations ou des documents dans ce domaine pour des raisons évidentes de secret des affaires."


Ce livre est donc d’abord un essai. "La vraie spéculation se déroule dans les salles des marchés des banques. Et les spéculateurs agissent en meute", soutient l’auteur. Avec l’effet qu’on connaît sur les marchés, à la baisse comme à la hausse.


"Il faut donc casser les banques et sanctuariser les dépôts", estime Marc Roche. En 1933, suite au krach de 1929, les Etats-Unis avaient déjà « cassé » les banques en deux, entre leurs activités classiques, commerciales et de dépôt, et leurs activités de banque d’affaires. Aujourd’hui, après la crise des subprimes de 2008, de nouvelles lois entrent en vigueur aux Etats-Unis, sous l’impulsion du président Obama.

 

Références  : Le capitalisme hors la loi de Marc Roche - Editeur : Albin Michel - septembre 2011 - 272 pages - EAN13 : 9782226230553 - Prix : 19.00 €

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