> Nucléaire : les plans de "sortie" sont-ils crédibles?

Publié le par enerli

Avec la crise japonaise, les scénarios de sortie du nucléaire ressurgissent. L'Expansion.com les a passés au crible. Quel qu'ils soient, ces plans se fondent sur l'hypothèse qu'il est possible que la France diminue sa consommation d'énergie.


Quel est le programme des écologistes pour sortir du nucléaire ?


Il est construit en trois temps :

 

- la baisse de la consommation d'énergie,

- l'amélioration de l'efficacité énergétique,

- le développement des énergies renouvelables.

 

La sobriété et l'efficacité énergétique consistent selon les anti-nucléaires à réduire les gaspillages et optimiser l'utilisation des nouvelles technologies peu consommatrices. Le développement des énergies renouvelables, par nature inépuisables, ne peut quant à lui se faire que par des investissements massifs.

 

Dans le détail néanmoins, les scénarios pour sortir du nucléaire sont multiples. En effet, de nombreuses études ont été réalisées pour démontrer qu'une sortie du nucléaire, même en France (dont 80% de l'électricité provient du nucléaire) était possible. En moyenne, ces plans établissent à 25 ans la durée de sortie du nucléaire. Récemment, une étude de "Sortir du nucléaire" projetait une fin possible sur 5 à 10 ans. Mais les experts ne croient guère en sa faisabilité.

 

La France peut-elle diminuer sa consommation ?


Quel qu'ils soient, ces plans se fondent sur l'hypothèse qu'il est possible que la France diminue sa consommation d'énergie. En effet, sans ce facteur de baisse, les écologistes admettent que le passage aux énergies totalement vertes ne pourra se faire si vite. Selon Europe Ecologie-les Verts notamment, la fin du nucléaire ne sera possible en 25 ans que si la consommation d'électricité en France diminue de moitié pour passer à 225 Twh (térawattheure ou milliard de kilowattheures) en 2035 (contre 488 en 2010).

 

"Ceci ne demandera aucun investissement, estime même Yves Cochet, député vert. En 25 ans, avec la mise en place d'une politique d'efficacité énergétique et de sobriété intelligente, la consommation des industriels peut baisser de 40%, et celle des particuliers de 60%", explique le député. Pour Thierry Salomon, co-auteur du scénario néGawatt de sortie du nucléaire : "il est tout à fait possible grâce à des politiques publiques de diminuer la consommation d'énergie. Par exemple, on pourrait fixer un seuil aux extravagances énergétiques comme les écrans publicitaire, ou encore généraliser les équipements moins consommateurs en énergie (réfrigérateurs, lave-linge, TV, ordinateurs, etc) ", estime l'expert.

 

Quoi qu'il en soit, la tendance aujourd'hui ne va pas dans le sens des écologistes. En 2010, la consommation d'électricité a encore augmenté de 1,9%. Et selon les estimations de RTE, la demande d'électricité française devrait connaître une croissance annuelle comprise entre 0,8 et 0,9% d'ici à 2025. "Si l'on sort du nucléaire, il faudra fabriquer des centrales à gaz, pour répondre à la consommation énergétique du pays ", estime ainsi Francis Soren de la SFEN, selon qui cela coûterait 30 à 40 milliards de plus chaque année à la France, en plus de rendre le pays plus polluant et plus dépendant des fluctuations des cours du gaz.

 

Comment financer le développement des énergies renouvelables ?


Selon Yves Cochet, pour arrêter le nucléaire, la France devrait investir 300 milliards d'euros en 25 ans. "C'est moins que les 350 à 400 milliards dépensés pour le nucléaire depuis 1976", explique le député. Dans le détail, il faudrait dépenser 15 milliards pour le grand hydraulique, 5 milliards pour le micro hydraulique, 120 milliards dans l'éolien, 30 milliards dans le photovoltaïque, 20 milliards dans la biomasse, et 20 milliards dans la géothermie profonde pour atteindre les 225 Twh de consommation d'électricité. Les 80 milliards restants seraient mis à disposition du démantèlement les centrales nucléaires. "Une somme qu'il faudra de toutes façons dépenser si l'on veut remplacer les anciennes centrales par des EPR", ajoute Yves Cochet.

 

Mais là encore, pour les défenseurs du nucléaire, un tel plan ne tient pas la route. La France est la championne du monde du chauffage électrique. Pour développer des chauffages alternatifs, comme la géothermie ou la biomasse, il faudrait donc des investissements plus conséquents que ce que prévoient les écologistes. Par ailleurs, produire l'intégralité de l'énergie française en renouvelable pourrait prendre plus de 25 ans. Le débat récurrent sur la pollution visuelle et sonore des éoliennes laisse déjà penser qu'en France l'opinion n'est pas encore prête. A titre de comparaison, l'objectif du Grenelle était de passer à 23% d'énergies vertes en 2020 (soit un investissement de 115 milliards pour les renouvelables).

 

Combien cela coûterait aux Français?


Grâce au nucléaire, la France paye son électricité 40% moins chère que dans le reste de l'UE, martèle le gouvernement français pour justifier le maintien du nucléaire. Le nucléaire est en effet l'énergie la moins chère à produire : son coût de revient est d'environ 3,1 cts le kwh, contre 5 à 8 cts pour les éoliennes (13 cts en mer), 10 cts pour la biomasse, et 30 cts pour le photovoltaïque.

 

Un surcoût d'ores et déjà répercuté sur la facture les Français, qui payent la contribution au service public de l'électricité. Pour les écologistes néanmoins, il faut mettre un terme à cette idée selon laquelle l'énergie nucléaire est bon marché. De fait, plus on mise sur une énergie, moins elle est coûteuse à produire à terme. "Au moment de l'apparition des premières centrales, le prix de revient du nucléaire correspondait à 30 cts d'euros le kwh", détaille Yves Cochet.

 

Autres critiques formulées par les écologistes, le coût du traitement des déchets nucléaires, les subventions de l'Etat visant à l'exportation de l'électricité, ou encore le coût du démantèlement des centrales n'ont jamais été vraiment évalués, et ne sont pas intégrés dans les tarifs de l'électricité.

 

En France, ces derniers sont en effet régulés depuis 20 ans et ne prennent quasiment pas en compte le coût du tri des déchets radioactifs, qui sur des centaines d'années pourraient représenter plusieurs milliards d'euros (voir à ce sujet le rapport de la Cour des Comptes). Selon les écologistes, si le nucléaire est si peu cher, c'est donc parce qu'il est subventionné." 60 % du budget de la recherche va au nucléaire, 20 % au pétrole et le reste aux énergies renouvelables. C'est bien un choix politique, non ?", s'indignait récemment sur le site Durable, Sophia Majnoni, membre de Greenpeace France.

 

Comment d'autres pays ont réussi à sortir du nucléaire ?


Plusieurs pays sont déjà sortis du nucléaire comme l'Autriche, la Suède ou encore l'Italie. D'autres ont amorcé leur sortie, à l'image de la Belgique et de l'Allemagne. Cette dernière est souvent citée en exemple par les associations anti-nucléaires. En 2000, le pays a en effet décidé un plan de sortie qui prévoyait de baisser considérablement la proportion de nucléaire civil dans les 20 prochaines années. En 10 ans, l'Allemagne a atteint 15 % de sa production d'électricité à partir d'énergies renouvelables. Dans l'éolien, le pays est passé de zéro à près de 40 térawattheures par an... Un succès selon les anti-nucléaires qui aimeraient que la France prenne exemple sur sa voisine d'Outre-Rhin.

 

En 2010 néanmoins, le pays s'est rendu compte qu'il ne pourrait pas se passer si vite du nucléaire. Angela Merkel a alors décidé de prolonger d'en moyenne douze ans la durée d'exploitation des centrales. Moratoire sur lequel la chancelière est revenue après la catastrophe de Fukushima. Traduire un tel plan en France sera certainement moins aisé. L'Hexagone est en effet est beaucoup plus dépendant du nucléaire que l'Allemagne qui dispose de 17 réacteurs, contre 58 pour la France.

 

Src : Julie de la Brosse le 18 mars 2011 © l'Expansion - L'Express

 

Publié dans ENERGIE : NUCLEAIRE

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