> ENR - généralités : La France peut passer de 1,8% d'EnR à 20% en 2025
Voici la suite du billet Réaction suite à la tribune de Nathalie Kosciusko-Morizet dans Le Monde concernant le projet du PS en matière de nucléaire (en ligne ici).
Quelle est la puissance flexible déjà en place en France ?
> GAZ
La France dispose d'une puissance électrique installée de centrales thermiques à flamme (principalement à gaz naturel) de 12 GW. Elles tournent aujourd'hui à demi-régime et contribuent à environ 11% de la production électrique nationale.
Source: EDF
> EAU
La France dispose aussi d'une puissance de 14,2 GW au niveau des lacs de barrage et des STEP, à laquelle on peut ajouter 4,2 GW de centrales d'éclusées (stockage à une échelle de temps de quelques heures), ce qui fait un total de puissance hydro flexible de 18,4 GW. Ces unité hydro flexibles contribuent à la moitié (6%) de la production hydroélectrique nationale (12%).
La puissance de flexibilité (centrales à flamme + lacs + STEP + éclusées) est donc de 30,4 GW en France, de quoi absorber sans difficulté majeure environ 30 GW d'énergies renouvelables variables comme l'éolien et le solaire.
30,4 GW d'éolien offshore, avec un facteur de capacité de 35% moyen en mer, c'est une production de 30,4 GW x 8760 heures/an x 0.35 = 93 TWh. C'est à dire près d'un cinquième (18,6%) de la production électrique nationale.
Cela, bien entendu, dans l'hypothèse d'une répartition intelligente des puissances fluctuantes sur le territoire (afin de favoriser le smoothing effect et aussi de réduire les goulots d'étranglement) et d'adaptations ponctuelles du réseau pour gérer les flux.
> NUCLEAIRE
Ajoutons que les centrales nucléaires sont également flexibles (avec néanmoins une certaine inertie) si on prévient leurs gestionnaires assez longtemps à l'avance. Or les progrès en terme de prévision météo (vent, soleil) permettent précisément d'anticiper. Comme le souligne RTE, opérateur qui gère le réseau public de transport de l'électricité en France, "il est possible de prévoir vent et production éolienne à l’échelle de régions et du pays entier avec une précision suffisante plusieurs heures voire plusieurs jours à l’avance" Source: http://www.debatpublic-eolien-en-mer.org/docs/docs/contribution-rte.pdf
Il n'y a pas de problème pour augmenter la production nucléaire lors des longues périodes avec peu de vent, ce qui réduit considérablement les volumes (en TWh) de stockage nécessaires pour intégrer de hauts niveaux d'EnR variables.
> VEHICULES ELECTRIQUES
Ajoutons que la France va convertir progressivement son parc automobile au 100% électrique, ce qui va permettre de disposer d'un grand nombre de batteries qu'il est possible de recharger de manière intelligente via le système V2G/G2V. Cette transition vers l'électro-mobilité s'accompagnera d'une diminution significative des émissions de CO2.
> INTERCONNEXIONS
Ajoutons enfin que la France n'est pas un pays coupé du monde, mais qui au contraire a mis en place des interconnexions électriques avec les pays voisins (https://www.entsoe.eu/resources/grid-map/ / https://www.entsoe.eu/index.php?id=70). En période d'excès de production éolienne, la France peut réaliser du délestage vers ses voisins (Espagne, Allemagne, Suisse etc.). En période de sous-production, elle peut en retour importer. C'est exactement ce que fait le Danemark avec ses voisins allemands, norvégiens et suèdois.
Conclusion
Pour l'ensemble de ces raisons, il apparaît que la France peut tout à fait produire 20% de son électricité à partir de sources renouvelables variables (éolien et solaire), ceci sans avoir besoin d'installer de nouvelles capacités de stockage type batteries sodium-soufre ou STEP. La France peut ainsi atteindre 20% d'EnR variables (dont 1,8% déjà en place) + 12,4% hydro déjà en place + 0,8% biomasse déjà en place = 33,2% d'EnR. En parralèle, on peut ajouter 6,8% de biogaz et de biomasse-énergie (ce qui constitue de nouvelles puissances flexibles), et on parvient alors à un total de 40% d'EnR. Le mix électrique obtenu est alors: 50% nucléaire + 40% EnR + 10% Fossiles.
EXPERTS - Pour ceux qui doutent de la possibilité de passer de 1,8% d'EnR variables aujourd'hui à 20% en 2025, ceci avec les systèmes de flexibilité déjà en place aujourd'hui, je les invite à prendre connaissance du rapport de l'Agence Internationale de l'Energie Harnessing Variable Renewables: a Guide to the Balancing Challenge, 2011 (voir ici), dont voici un résumé sur le site de la revue scientifique Nature: No wind, No problem.
http://www.nature.com/news/2011/110524/full/news.2011.307.html
FRANCE QUI GAGNE - François Hollande souhaite que la France passe d'environ 75% de nucléaire aujourd'hui à 50% en 2025. C'est possible, et sans augmenter la part des énergies fossiles, contrairement à ce qu'affirment les ennemis du projet à la fois ambitieux, réaliste et consensuel de François Hollande.
NB - A noter qu'il est possible de moderniser le parc des centrales à flammes français, afin d'augmenter leur efficacité énergétique, et par voie de conséquence de réduire les émissions de C02 tout en conservant le potentiel de puissance flexible.
Il est également possible de récupèrer la chaleur actuellement perdue, pour des applications thermiques: chauffage etc. On améliore ainsi considérablement le bilan CO2. C'est l'approche CHP Combined Heat Power, très développée par exemple au Danemark, aux Pays-bas et en Suède.
La France peut passer de 75% de nucléaire + 15% d'EnR + 10% de fossiles aujourd'hui, à 50% de nucléaire + 40% d'EnR + 10% de fossiles en 2025, ceci tout en réduisant ses émissions de CO2.
La France pourra dans une deuxième phase, après 2025, dépasser 40% de renouvelables, et passer à 75% de renouvelables en 2035. 2011: 15%. 2025: 40%. 2035: 75%. 2050: 100%. La Haute-Normandie pourra alors jouer un rôle important pour atteindre cet objectif.
>>> Lire à ce sujet : La Haute-Normandie, future batterie hydroélectrique de la France ?