> Energie - généralités : Résilience du modèle énergétique allemand

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La revue Global Chance, en partenariat avec l'IDDRI, consacre son dernier numéro à une comparaison de l'énergie entre France et Allemagne : la première mise sur l'abondance de l'offre électro-nucléaire, la seconde sur la maîtrise de la demande. Deux cultures et deux systèmes.

 

"Il y a dix fois plus de chauffe-eau solaires en Allemagne qu'en France, même sur la côte d'Azur !", ironise Benjamin Dessus, co-auteur de la dernière livraison de Global Chance.

 

Depuis 2000, l'Allemagne a engagé le tournant de sa politique énergétique, centrée sur l'efficacité et les renouvelables. Elle s'est dotée d'objectifs ambitieux : porter la part des énergies renouvelables à 35% de l'électricité en 2020, et améliorer de 10% son efficacité énergétique entre 2008 et 2020.

 

Deux éléments principaux l'y incitent : son orientation vers la sortie du nucléaire, et ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre. L'Allemagne, pays où l'activité industrielle est supérieure à la France et 1,3 fois plus peuplé depuis 1991, date de la réunification, affiche des émissions de gaz à effet de serre supérieures à celles de la France en valeur absolue et par habitant, du fait de son industrie.

 

Emission de GES en baisse

 

Cependant, il faut noter que la tendance est à la diminution des émissions en Allemagne, malgré l'intégration de l'Allemagne de l'Est et le choix de la sortie du nucléaire. Le charbon est un facteur important dans les émissions allemandes (40% en 2009), mais elles ont diminué de 35% entre 1991 et 2009.

 

De même pour les émissions de CO2 issues du pétrole, qui ont été réduites de façon plus importante en Allemagne (22%) qu'en France (9%) entre 1991 et 2009. L'Allemagne a par ailleurs engagé une vaste politique de réduction des émissions de méthane (CH4) du secteur des ordures ménagères : les émissions allemandes de CH4, supérieures de 40% aux émissions françaises en 1991, leur sont inférieures de 27% en 2007. Le biogaz est également plus développé en Allemagne qu'en France.

 

Ancrées dans les territoires, les énergies renouvelables sont un facteur de sécurité énergétique : malgré une production hydraulique beaucoup plus faible que celle de la France, l'Allemagne la dépasse largement en produisant 108 TWh, contre 76 TWh pour la France. Si elle parvient à mener à terme ses orientations énergétiques, l'Allemagne aura réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 40% en 2020, de 55% en 2030 et de 70% en 2040 par rapport à 1990, en partie grâce à la montée en puissance des renouvelables, portées à 65% de la production électrique en 2040. Charbon et gaz seront progressivement effacés du bouquet énergétique allemand sans recours au nucléaire.

 

Cette politique ambitieuse a été favorisée par une réforme fiscale écologique, engagée dès 1999 par le gouvernement fédéral allemand, selon trois objectifs : encourager les économies d'énergie, promouvoir le développement des énergies renouvelables et créer des emplois.

 

Cette réforme agit sur le coût de l'énergie en augmentant progressivement la fiscalité sur l'électricité et les énergies fossiles afin d'en réduire l'utilisation. L'impact sur la facture finale des ménages s'élève à +11% pour l'électricité et +6% pour l'essence. Cette réforme a marqué un décrochage des politiques française et allemande au tournant des années 2000 en matière de prix de l'énergie. En 2008, le prix de l'électricité était sensiblement inférieur à la moyenne européenne en France, et sensiblement supérieur en Allemagne. Cette réforme semble avoir joué un grand rôle dans la stabilisation de la consommation d'électricité en Allemagne à partir de 1999. Double dividende : elle a aussi servi au paiement des retraites. A contrario, la consommation d'électricité continue de croître en France.

 

De façon générale, l'Allemagne présente des sources de production d'énergie plus diversifiées. Bien que dépendant actuellement à 44% du charbon, la production d'électricité de l'Allemagne est plus équilibrée, avec 23% de nucléaire, 13% de gaz et 18% de renouvelables.

 

Selon les auteurs de Global Chance, la France est dans une posture plus fragile du point de vue de sa sécurité énergétique. Pour deux raisons principales : sa consommation énergétique finale de produits pétroliers par habitant est plus élevée qu'en Allemagne, et sa production d'électricité dépend à 76% de l'énergie nucléaire. La France est donc vulnérable aux fluctuations du prix de la matière première uranium, dont la part dans le coût du kWh ne représente pour le moment qu'entre 5 et 10%. L'entrée en fonctionnement des deux EPR français pèsera sur le prix du kWh, de même que le coût du démantèlement des centrales et la gestion des déchets nucléaires : la France cumule 9 fois plus de déchets de faible et moyenne activité à vie longue et 4 fois plus de déchets à haute activité par habitant que l'Allemagne.

 

L'Allemagne exporte son électricité vers la France

 

Effet collatéral du tout-électrique : des consommations de pointe causées par le chauffage électrique et des importations ponctuellement importantes et coûteuses. Contrairement à une idée reçue, le solde des échanges d'électricité entre France et Allemagne est négatif : la France importe plus d'électricité d'Allemagne qu'elle n'en exporte, selon le rapport d'activité de 2009 de RTE (gestionnaire du réseau de transport d'électricité français). Le solde de ses échanges avec la Grande-Bretagne et la Belgique est également devenu négatif entre 2008 et 2009. En cause, le développement du chauffage électrique en France, qui, lors des hivers rigoureux, sollicite de forts appels de puissance.

 

C'est dans les secteurs résidentiel et tertiaire que les différences sont les plus nettes. Dans ces deux secteurs, la consommation d'électricité s'est pratiquement stabilisée en Allemagne depuis 2002, alors qu'elle a augmenté régulièrement en France de 1991 à 2009. La consommation d'énergie finale par logement et par m2 serait inférieure de 23% en Allemagne par rapport à la France, en données corrigées du climat (à conditions climatiques égales). C'est pour le chauffage que l'enquête de Global Chance constate un écart très important : la France ayant développé considérablement le chauffage électrique, elle en consomme 65% de plus que l'Allemagne. Plus étonnant, on retrouve aussi une différence forte de niveau de consommation électrique associée aux appareils ménagers, l'éclairage, l'audiovisuel et l'informatique (+27% en France qu'en Allemagne) : les ménages allemands sont moins énergivores, et pourtant leur taux d'équipement n'a pas ralenti. La différence de consommation viendrait donc d'une meilleure efficacité des appareils outre-Rhin, grâce à un environnement fiscal précoce qui a su créer un signal-prix clair en faveur de l'efficacité énergétique. La diversité du tissu énergétique allemand s'avère donc constituer un terreau favorable à la révolution énergétique postnucléaire que l'accident de Fukushima a catalysée.

 

Src : Agnès SINAÏ du 22 Septembre 2011© GLOBAL CHANCE et ACTU-ENVIRONNEMENT

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